P38: une annonce qui nous préoccupe au plus haut point
Le Ministre des services sociaux, le Dr. Lionel Carmant, a annoncé mercredi dernier, une démarche pour: « réaliser des travaux entourant l’application de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (loi P-38) ».
Nous secondons ce qu’Action-Autonomie Montréal a indiqué dans son communiqué de presse d’hier, L’A-DROIT souhaite aussi que cette démarche mène à un meilleur respect des droits et de la dignité des personnes qui vivent avec un problème de santé mentale.
Il s’agit d’un mandat en deux étapes et la première partie du mandat de révision de la Loi se décline ainsi :
« 1. Un état des lieux de la situation actuelle de l’application de la loi P-38. Les éléments d’analyse suivants seront notamment pris en considération :
• les aspects juridiques afférents à la loi;
• l’analyse du droit comparé à l’échelle internationale;
• une revue de la littérature entourant la loi;
• un portrait des intervenants appelés à appliquer la loi. »
Bien que cette démarche de révision soit présentée de façon neutre dans le communiqué de presse du Ministre Carmant, du MSSS et de l’institut québécois de réforme du droit et de la justice (IQRDJ) qui en est responsable , cette démarche nous inquiète pour les raisons suivantes :
1- Le mandat de recherche donné à l’IQRDJ apparait restreint et ne tient pas compte de l’ensemble des facteurs associés à la P-38. J’ai consulté le site de cet institut dont j’ai appris l’existence mercredi le 17 mai. Il compte sur son conseil exécutif des avocats, des ex-juges et professeurs d’université. Ceux-ci semblent avoir une connaissance juridique fine et feront notamment une analyse du droit comparé à l’échelle internationale.
Une telle étude révèlera qu’au canada anglais, aux États-Unis et dans certains pays d’Europe, les personnes vivant avec un problème de santé mentale font l’objet de Lois plus contraignantes et sont bien souvent obligés de prendre leurs médicaments. Toutefois, l’analyse de ces Lois sera extrêmement fragmentaire puisqu’il ne contextualise pas son application et ne répond pas, entre autres, aux questions suivantes :
o Quel est le portrait du système de santé mentale dans ces législations? Quel est son historique? Combien y a-t-il de psychiatres par 100 000 habitants et de lits en psychiatrie par 100 000 habitants? Y a-t-il des réelles alternatives à l’hospitalisation en psychiatrie?
o Quelles sont les maladies à traitement obligatoire dans ces législations?
o Quel est le rôle des différents intervenants en matière de crise psychosociale?
o Quel est le portrait dans ces législations en matière de droit criminel?
o Quel est l’impact du portrait démographique (rural/urbain) en regard de l’application des lois d’exception en santé mentale dans ces législations?
o Quel est l’état des lieux en matière d’actes réservés et de rôles et responsabilités des différents professionnels de la santé et des services sociaux en matière de santé mentale dans ces législations?
o Quel est le diagnostic que l’on fait des services de crise au Québec et de leur réponse aux besoins en matière de crise psychosociale?
Et j’en passe, et j’en passe… Vous comprendrez qu’un nombre très important de paramètres ne seront pas considérés par cet institut, parce qu’il n’en a pas reçu le mandat et qu’il ne dispose pas de la compétence en analyse de politiques publiques en matière de santé pour les contextualiser dans la réflexion associée à une loi qui est au carrefour du juridique, du médical et du psychosocial.
Cette analyse est importante, voire fondamentale puisqu’elle servira à justifier l’action du gouvernement par la suite. En ne regardant qu’une seule facette, il apparait difficile de ne pas anticiper des conclusions qui ne donneront pas un portrait fidèle de la réalité, à moins que cet institut ait la possibilité d’étendre son mandat.
2- Le contexte médiatique actuel en lien avec la santé mentale
Ces derniers mois nous ont amené à vivre coup sur coup des malheureuses situations ou des personnes sont décédées. Pensons aux chauffards d’Amqui et de la garderie de Laval, à l’assassinat d’une policière à Louiseville, au meurtre à Rosemont à Montréal, etc. Coup sur coup, la santé mentale était systématiquement au banc des accusés, alors que plusieurs situations étaient aussi liées à des drames familiaux et à de la consommation de drogue, notamment. Loin de minimiser les souffrances vécues par les proches des disparus, les enjeux ne sont pas considérés dans leur sens large dans les médias et de nombreux amalgames sont faits, entre autres de la part des policiers (nous y reviendrons). Nous avons d’ailleurs co-écrit une lettre d’opinion en mars dernier à la suite du drame d’Amqui.
3- Des omissions et affirmations qui ne reflètent pas la réalité dans la présentation du mandat.
La loi a 25 ans. C’est factuellement exact, mais concrètement inexact dans son application intégrale. Avant 2018, soit l’année de la publication du cadre de référence du MSSS pour la P-38, nous vivions de nombreuses problématiques. Celles-ci étaient liées notamment au respect des délais légaux par les établissements de santé, du consentement aux soins, du respect du processus de
garde et de l’absence de suivi de la part des établissements sur l’application de cette Loi.
Il convient de se rappeler pourquoi ce cadre de référence a été publié:
– Parce que des études des groupes de défense de droits en santé mentale ont mis en lumière les difficultés et la réalité des personnes sur le terrain en analysant les décisions des tribunaux;
– L’enquête du protecteur du citoyen sur la P-38;
– La place de la P-38 chaque année dans le rapport annuel du protecteur du citoyen, ou de nombreuses problématiques y étaient dénoncées;
– Un rapport du groupe de travail sur la santé mentale et la justice du barreau du Québec en 2010;
– Un rapport d’enquête du MSSS, 13 ans après sa mise en vigueur, qui concluait notamment que la P-38 n’était pas appliquée adéquatement partout. Celui-ci recommandait notamment la mise en place de comités de surveillance locaux. Ceux-ci n’ont jamais vu le jour.
Ainsi donc, de nombreux éléments et rapports sont venus illustrer que les principales problématiques liées à la P-38 étaient associées au respect des droits des personnes et non au fait que les personnes disposeraient de trop de droits, c’est faux et cela a été démontré dans la littérature.
Nous concevons qu’il soit contraignant pour les psychiatres d’appliquer cette Loi d’exception. Rappelons qu’il s’agit bel et bien d’une Loi d’exception qui donne déjà d’énormes pouvoirs à ces médecins. C’est faux de prétendre que les psychiatres n’ont pas la possibilité de soigner adéquatement les personnes en raison de la P-38. Les psychiatres ont les mêmes possibilités que les autres médecins en matière de soins de santé.
Pour la deuxième partie du mandat donné à l’IQRDJ il y aura une consultation de l’ensemble des parties prenantes sur la question. Puisqu’il y aura consultation, on souhaite évidemment s’y faire entendre, que les difficultés vécues par les personnes soient considérées et que le processus mène à un meilleur respect des droits et de la dignité des personnes vivant avec un problème de santé mentale.
Nous souhaitons une démarche ouverte et équitable, qui respectera notre position qui est celle des personnes qui ont fait l’objet de cette Loi, celles qui sont réellement concernées par son application. Il va de soi que L’A-DROIT va participer au processus et faire entendre la voix des personnes sans voix.
A la lecture de ce texte, vous comprendrez qu’on en a long à dire sur le sujet et qu’il ne s’agit que du début puisque je n’y ai couvert que quelques angles. La révision de la Loi semble déjà mal orientée, c’est inquiétant! On demeure vigilants et à l’affût, c’est à suivre!
François Winter, directeur général, L’A-DROIT
Portrait d’une pratique méconnue : L’A-DROIT lance une étude sur les autorisations judiciaires de soins en Chaudière-Appalaches
Lévis, le 7 octobre 2020, L’A-DROIT de Chaudière-Appalaches, groupe régional de promotion et de défense de droits en santé mentale, publie aujourd’hui une étude sur l’application des autorisations judiciaires de soins en Chaudière-Appalaches. Cette étude a été réalisée en recensant les données de l’ensemble des décisions de la Cour supérieure pour la région de Chaudière-Appalaches entre 2013 et 2017. Il s’agit de la troisième étude du genre au Québec concernant l’application de cette mesure.
L’autorisation judiciaire de soins (AJS) est un mécanisme d’exception par lequel le tribunal contraint une personne à recevoir des soins auquel elle ne consent pas durant une période déterminée. Ces soins prennent la forme de traitements, notamment des médicaments et d’hébergement.
Un ajustement des allocations de dépenses personnelles est réclamé
Les députés péquistes de Rimouski, Harold LeBel, et des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, se joignent à des organismes communautaires pour réclamer la bonification de l’allocation de dépenses personnelles des personnes hébergées dans des ressources intermédiaires ou de type familial (RI-RTF).
Ces prestataires d’aide sociale sont souvent aux prises avec une déficience intellectuelle, un handicap ou un trouble du spectre de l’autisme.
Les députés font valoir que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) a récemment haussé les loyers mensuels des ressources intermédiaires et de type familial.
Ces loyers retiennent une grande partie de l’allocation des bénéficiaires, d’un montant de 245 $.
Pétition : Allocation de dépenses personnelles pour personnes hébergées en ressources intermédiaires
Depuis plusieurs années, L’A-DROIT, ainsi que de nombreux organismes communautaires, est préoccupé par les difficultés vécues personnes qui sont hébergées dans des ressources intermédiaires et des ressources de type familiale. En effet, depuis nos débuts, les personnes que nous rencontrons dans la région nous mentionnent que le montant d’allocation de dépenses personnelles (ADP) est insuffisant et que cette situation les maintient dans une situation de pauvreté significative.
Assemblée générale annuelle : Une année remplie de projets pour L’A-DROIT
Une iniquité à corriger, avant les élections !
François Winter, directeur général, L’A-DROIT de Chaudière-Appalaches, groupe régional de promotion et de défense des droits en santé mentale
Lévis, le 26 juin 2018 – Le 15 mai dernier était adoptée à l’unanimité par l’assemblée nationale la Loi 173, soit la Loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent des contraintes sévères à l’emploi. Une mesure phare de cette législation est l’augmentation progressive sur cinq ans de la prestation des personnes inaptes à l’emploi. Celles-ci ont vu cette année leur prestation mensuelle augmenter à raison de 73$ par mois. Malgré le titre de la Loi, une portion significative des personnes ciblés par cette mesure n’y a cependant pas eu droit.
Assemblée Générale Annuelle, L’A-DROIT poursuit son développement !
Fermeture du département de psychiatrie de Thetford Mines : Pensons aux premières personnes concernées d’abord !
Par Carole Vachon, directrice générale, Le Havre, groupe d’aide et d’entraide pour les personnes vivant avec un problème de santé mentale et François Winter, directeur général, L’A-DROIT de Chaudière-Appalaches, groupe régional de promotion et de défense des droits en santé mentale
Le 17 janvier prochain, le département de psychiatrie de l’hôpital de Thetford Mines sera fermé temporairement suite à la démission des psychiatres de l’établissement. Deux d’entre elles rencontreront dorénavant les personnes qu’elles suivaient en clinique privée à l’extérieur de l’hôpital. Malgré les mesures mises en place par la direction du CISSS-CA, cette situation aura des conséquences majeures pour les personnes ayant besoin d’avoir accès à une hospitalisation, ainsi que leurs proches. Ces personnes sont les otages de démissions qui restreignent l’accès à des services auxquels elles ont droit.
Intervention policière et services de crise : on n’en fait pas assez !
Par François Winter, directeur général de L’A-DROIT de Chaudière-Appalaches, groupe régional de promotion et de défense de droits en santé mentale
C’est avec grande tristesse que nous avons pris connaissance du décès de M. Guillaume Bolduc, abattu par un policier de la Sûreté du Québec, le jeudi 10 août à Saint-Georges de Beauce. Les circonstances de son décès relatées dans les médias suscitent des questionnements liés à l’intervention policière, ainsi que sur la possibilité d’un accès suffisant à une offre de services de crise complète. Dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons que souhaiter que le bureau des enquêtes indépendantes (BEI) puisse faire la lumière sur ces tragiques évènements.
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Fermeture du département de psychiatrie de Thetford Mines : Pensons aux premières personnes concernées d’abord !
Intervention policière et services de crise : on n’en fait pas assez !